samedi 26 mars 2016

Inter-doudou-net

Pour être honnête, Micheline, je ne vois pas le rapport entre ton conseil de retrouver ce qui nous donne envie et ton exemple de ne pas arriver à éteindre l’ordinateur.

C’est peut-être parce qu’il n’y en a pas.


Ce conseil ne vaut effectivement pas pour toutes les situations. En l’occurrence, dans le cas d’internet, je n’ai pas l’envie de le quitter à ce moment-là. C’est plus une situation dans laquelle je me donne un choix qui n’est pas raisonnable. Il n’est pas raisonnable de rester sur internet alors que je suis fatiguée, que j’ai mal au dos, que je n'y suis plus bien, que je dois me lever le lendemain, que je sais que j’ai besoin de sommeil pour fonctionner au mieux, pour être au mieux dans ma peau.

Mais. Mais là, il n’est pas question de raison. Il est question de compulsion, de doudou, de boulimie, d’angoisse.
A ce moment-là, j’ai un rapport glouton à internet. Je n’ai pas faim mais j’en mange encore. J’ai mal au ventre mais je m’en ressers une tranche.



Mais pourquoi tu n'éteins pas, Micheline ?

Parce que, alors, internet a plusieurs rôles pour moi. Tous en lien avec… ouiii !!! avec la peur !!!

-  Un divertissement

Le plus évident. Se divertir, faire diversion, regarder ailleurs pour ne pas voir le problème. Disons procrastination, disons évitement, disons « oh regarde, derrière-toi ! » *disparition*.


Avant j’avais la télé. J’ai aussi eu les Sims (encore avant j’avais les Playmobils, mais ne nous leurrons pas c’est exactement pareil). Tous ces moyens de m’extraire de la réalité, de m’oublier et de me plonger dans un imaginaire, dans un ailleurs.
Et c’est bien, le divertissement, c’est sain. En tout cas, visiblement, j’en ai besoin pour survivre puisque je trouve toujours quelque chose qui fasse cet office.
Non, c’est juste un peu embêtant quand ça prend le pas sur cette réalité, quand je n’arrive pas à éteindre pour revenir dans mon corps, dans ma tête, dans mes chaussettes et dans ce dont j'ai essayé de détourner mon attention.
Et aussi quand le divertissement que je choisis n’est pas validé par la snob qui est en moi (soit me retrouver à mater un sketch moyennement drôle au lieu de continuer ma lecture de Proust). Ça aussi, ce n’est pas très agréable.

-  Un palliatif

Plus précisément, palliatif à la solitude dans mon cas. Vous vous rappelez quand on parlait compromis ? Faire des compromis, pour moi (et contrairement à ce qu'on a l'habitude d'entendre), c’est une bonne chose. C’est mieux que de ne rien faire.
Donc voilà, il y a des moments, des périodes durant lesquelles je suis seule. Non, on reformule. Il y a des moments, des périodes durant lesquelles je me sens seule. Et, ne tournons pas autour du pot : ça me rend triste. Dans ces moments, ces périodes, internet c’est l’extérieur, c’est le monde, c’est les autres gens. Je me sens alors un peu moins seule. Et donc un peu moins triste (ce qui, à mon avis, est toujours bon à prendre)
Le seul souci c’est que cette sensation n’est, en général, que temporaire. D’où la difficulté d’éteindre. (on n'est pas loin du divertissement, là aussi)
Mais, heureusement, parfois ça permet de réaliser des trucs. C’est un peu pour ça que j’ai commencé mon blog : m’exprimer et créer du lien, sur un mode que je ne trouvais pas en dehors de l’écran. Et alors là, on n’est carrément plus dans du palliatif. J


-  Un doudou

Quand j’étais petite, j’ai longtemps sucé mon pouce (#confessions). Et après, j’ai dormi avec un nounours pendant un peu plus longtemps que la moyenne. Le truc c’est que j’avais vraiment très peur de m’endormir (ou plutôt d’éteindre la lumière et d’attendre)
Une vingtaine d’année plus tard (oui, je parle de maintenant) je me surprends, dans des moments un peu inconfortables d’angoisse du lendemain, à scroller mon fil twitter dans mon lit, juste avant d'éteindre la lumière. Certes, pour retarder le moment d’éteindre et de me retrouver face à ma nervosité (soit le rôle de divertissement, si tu as bien suivi -> bravo !) mais un peu aussi par réflexe. Par automatisme. Comme quand je mettais mon pouce dans ma bouche ou quand je cherchais mon doudou sous la couette. Un genre de rituel magique qui tient l’angoisse à distance, sans même que j’en aie conscience. Un soulagement du corps plus que de l'esprit. 

C’est tout ça qui fait de mon internet un truc rassurant, confortable et chaud. Enfin, confortable jusqu’à ce qu’il ne le soit plus. Mais ça, c’est comme une bouillotte.

Au bout d’un moment, elle n’est plus chaude.

(c’est tout pour moi, merci !)



samedi 12 mars 2016

Y a quoi avant la peur, déjà ?

Micheline, j’ai rien compris, c’est quoi finalement l’inconfort ?

Avant toute chose (la phrase la plus importante de tout cet article, voire de tout ce blog, voire de toute la vie) ça dépend des gens. Pour certains ce sera : ne pas oser faire du saut à l’élastique (spoiler alert : ce n’est pas mon cas), pour d’autres ce sera se forcer à sortir de chez eux alors qu’ils y sont très bien…

Pour le type de peureuse que je suis, l’inconfort c’est être dominée par la peur de faire (ou de ne pas faire) des trucs. C’est ne pas avoir le champ libre. Vivre sous le joug de l'angoisse et y être habituée. Et ne même plus savoir comment on fait autrement.

Donc, ne plus être en accord avec moi-même. Ce qui nous donne une fourchette allant de « ne pas oser parler à telle personne » à « angoisser à l’idée d’éteindre l’ordi ».

L’inconfort c’est quand la peur annule radicalement toute motivation. Quand elle s’applique tranquillou à tuer ce qui nous donne envie.

Vous savez, c’est ce moment où vous vous verriez bien faire un truc, ça monte en vous, vous le sentez bien, ça vous fait plaisir. Ça peut venir de quelque chose que vous avez vu, qui vous a fait vous sentir bien, d’un rêve que vous avez fait, d’une lecture qui vous a énervé, vous a donné envie de réagir. Bref, un truc qui arrive, on ne sait d’où et qui vous parle, fait résonner quelque chose, fait battre un endroit, ça se met en marche.


Et puis La Peur (brrr...). Comme dans un groupe d’amis quand il y en a un qui parle plus fort, plus longtemps, à tort et à travers mais qui démotive tout le monde. Le pire rabat-joie de la terre. Si bien qu’après on ne sait même plus qui a dit quoi au début, on ne se rappelle même plus qu’on avait envie, que tout le monde était d’accord. Le petit tyran a gagné.



Le confort ce serait redonner la parole à tout le monde. Et donc retrouver la possibilité, la liberté de faire ou pas. Le confort ce serait le possible, ouvert.

Ok, super Micheline, mais comment on fait pour sortir de cet inconfort ?

Alors pour être honnête, au départ je pensais faire un diagramme décisionnel, j’avais tout bien prévu, c’était beau, c’était chouette (j’en avais des papillons dans le ventre). Et puis en fait je me suis dit que c’était plus simple que ça.

D’abord une question : « Est-ce que tu as envie de faire un truc ? »
Oui / Non
Et puis une deuxième : « Est-ce que tu es bloqué par la peur ? »
Oui / Non (là ce serait cool que tu répondes oui, parce que c’est un peu la raison d’être de ce blog, mais libre à toi, hein)

Si tu as répondu oui aux 2 questions, je te propose un petit exercice. (ouiii, un exerciiiice !!)


Quand tu réalises que la peur a pris le dessus, a enseveli l’origine de ton envie, fais une pause. Déjà ça. Réalise que ce moment où tu as senti l’envie venir te parait bien loin, que d’ailleurs tu n’as peut-être plus tant envie que ça.

Et puis, volontairement, essaie de ramener à toi ce moment où l’idée t’est venue. Qu’est-ce qui l’a engendré ? Qu’est-ce que ça t’a fait ressentir ? De l’espoir ? De la colère ? De l’énervement ? De la détente ? Physiquement ça t'a fait quoi ? Essaie de revenir à cet avant, avant les questions, les argumentations, les scénarios déroulés par la peur.

L’idée c’est de te dire que tu n’es pas que ta peur. Vraiment. (permets-moi d’insister lourdement) Il y a toute cette partie de toi qui ressent plein d’autres émotions, qui est capable de tant, qui se voit faire tant, qui a envie de tant.

L’idée (la deuxième, donc) c’est de revaloriser la partie de toi qui a envie. Alors, certes tu le fais consciemment, ça n'est pas naturel du tout (et honnêtement, c’est un peu bizarre) mais faire changer une habitude si profondément inscrite ça demande forcément un effort. C’est comme dire « bonjour », au début ce n’est absolument pas naturel et puis à force de te faire engueuler par tes parents, maintenant ça te paraitrait très bizarre de ne pas dire « bonjour » à quelqu’un que tu rencontres (même si, ça aussi, ça peut faire peur, mais passons…).


Après, éventuellement, tu peux te poser la question de savoir si ton envie vaut la peine par rapport à ta peur, par exemple. Parce que ça n’empêche pas que la trouille est toujours là, peut-être aussi forte (peut-être un peu moins…) et que ton envie n’est pas toujours réalisable (et c’est pas un problème) mais au moins la discussion est un peu moins biaisée

Ah oui, et on ne parle pas forcément de faire du saut à l’élastique (Dieu m’en garde). Ça peut être rendre son tire-bouchon au voisin parce que ça nous énerve de ne pas le faire, aller acheter du pain parce que on a follement envie de se faire des tartines au beurre (#lavie) ou rencontrer des Madmoizelles parce que… ben parce qu’on en avait envie !! (ouais, même que je l’ai fait…)

Mais déjà, se laisser la possibilité d’éprouver autre chose que de la peur, être à l’écoute de ces autres émotions. Etre à l’écoute de son instinct, aussi. Du truc qui bat.


(Le cœur. Je parle du cœur)

samedi 5 mars 2016

La zone d'inconfort

Alors, Micheline, ça va mieux ?

Oui, merci. Ecrire cet article, la dernière fois, m’a fait beaucoup de bien ! Après je ne dirais pas que je danse la rumba du matin au soir (peut-être est-ce pour le mieux) mais c’est un peu plus calme sous mon crâne et je sens l’énergie revenir tout doucement.

Tu as retrouvé une zone de confort, Micheline ?

(ça se voit que je ne savais pas très bien comment amener le sujet ?)

Voilà une question qu’on ne pose jamais dans ce sens !

On nous parle souvent de « zone de confort », mais toujours pour nous inviter à en sortir. C’est quand même étonnant, non ? Pourquoi aurait-on envie de quitter une zone dans laquelle on est bien, confortable, à l’aise?

Décrivons un moment de confort (spoiler alert : confort apparent) :

Je suis dans mon canap, lovée dans mes coussins, mon plaid sur mes genoux et mon ordi dessus. Franchement, je suis bien. Je mate des vidéos, checke twitter, rafraichis des pages, tout ça en même temps. Mon cerveau est sur pause, je n’ai pas de peurs, pas de douleurs, je rigole, j’apprends des trucs.
Quel bon moment !!


Tout à coup, j’ai mal aux yeux, je commence à être engourdie, à n’apprendre plus rien de nouveau, à revenir toujours sur les mêmes pages qui n’ont pas bougé. Il est temps d’éteindre.

Mais je rafraîchis une dernière fois youtube, regarde telle vidéo qu’on me propose, même si je la trouve nulle, me balade dans les méandres de tel blog pas très intéressant, me perds sur les photos d’inconnus sur facebook en me comparant et en me dévalorisant. Et je n’arrive pas à éteindre. Je regarde mon portable, ça fait 2h que j’ai dit qu’il fallait éteindre. Je m’en veux, me demande ce que je fais de ma vie, me reproche de n’avoir aucune volonté…

Quel bon moment !! (non)


On parle toujours de « zone de confort » ou bien ?

Mais, Micheline, ne sois pas si 1er degré, c’est une façon de parler, un confort apparent, comme tu l’as dit toi-même !

Oui, mais ça provoque un genre d’injonction paradoxale, pour moi : je n’ai pas envie de quitter une zone de confort ! Je ne suis pas (si) maso quand même. Si le confort c’est se sentir bien, j’aspire à trouver et à rester dans ma zone de confort !

Alors, je comprends que le type qui a inventé cette expression pensait « zone de confort » = « zone sans peur ». Mais comme je l’ai décrit ci-dessus (et comme on l’a déjà vu ici et ici) : on a toujours peur, même dans le confort de mon canapé, j’ai quand même peur ! Peur de ne rien faire de ma vie, par exemple, et c’est très désagréable comme sensation. D’où ma proposition de renommer ce concept : « zone d’inconfort » (proposition que je vais, évidemment, soumettre à Wikipédia).

Sans transition, et pour vous convaincre qu'il n'y a pas de zone de confort ultime, une histoire amusante (hihi.) lue récemment dans le très bon livre Le charme discret de l’intestin* (attendez, vous allez voir le rapport) : l’ascidie est un petit être vivant possédant un cerveau et une moelle épinière. Cette brave petite créature se déplace allègrement sous la mer à la recherche du coin parfait pour se poser (fonder sa petite famille). Quand, enfin, elle a trouvé le caillou idéal que fait-elle ? Elle mange son cerveau.

Je. Quoi ? Pardon ?



Bah oui, elle bouffe son cerveau, elle n’en a plus besoin, il lui servait uniquement à chercher le spot ultime. Donc elle le bouffe et elle peut enfin vivre sa vie d’ascidie.

Je trouve cette histoire hyper marrante (comment ça, ça ne fait rire que moi ?).

Parce que je me surprends parfois à me prendre pour une ascidie, en recherche de la situation parfaite, ultime, dans laquelle je pourrais me poser et mon cerveau ne me harcèlerait pas à tout bout de champ(passons sur le fait que je rêve d’être un organisme marin décérébré, ce qui, je vous l’accorde, n’est pas rassurant.) 

Quand je glande sur l'ordi, j'ai l'impression d'être une grosse ascidie repue de confort. C'est très agréable, au début. Et puis mon humanité me rappelle à l'ordre.

Notre problème en tant qu'être humains c’est que (hélas), nous n’avons pas encore trouvé la manière de manger notre propre cerveau. Donc, ce dernier sera présent toute notre vie pour nous embêter, nous bousculer, nous fatiguer, nous faire peur. Donc, notre cerveau ne nous offrira jamais de réelle zone de confort. Donc, on ne peut pas la quitter (puisqu’elle n’existe pas, vous suivez ?). CQFD.

Par contre, on peut essayer de quitter une « zone d’inconfort » trop importante. C’est déjà un peu plus motivant, si vous voulez mon avis.


Et ça, on essaiera d’en reparler.


* Le charme discret de l'intestin, Giulia Enders