dimanche 21 août 2016

Mon essoufflement

Il y a autre chose qui te turlupine, Micheline ?

En effet, Maigret. (cette rime est si peu de mon âge)

La dernière fois, cerner mon inquiétude d’aller me coucher m’a fait beaucoup de bien et m’a permis des soirées plus sereines, donc on va essayer de réitérer l’expérience si vous le voulez bien.
Et dans la foulée des non-conseils, je partage donc avec vous une autre des difficultés que j’ai depuis un temps relativement conséquent : mon insécurité sociale (on va dire ça comme ça).

Certains jours, mes relations avec les autres sont fluides, simples même stimulantes. Tac au tac, question, réponse, blague, séduction, pertinence, la danse s’enchaîne à merveille.


Certains jours, mes relations avec les autres sont pénibles. Et je rame toute la journée pour entrer en relation de la façon la plus appropriée qui soit. Chaque interaction me demande un effort. Je ne sais plus faire, le naturel est parti au galop. Dire bonjour à cette personne qui ne m’a pas vu ? Ou peut-être que si, elle m’a vu ? Est-ce que c’est trop tard ? Est-ce qu’il m’a entendu ? Est-ce que je devrais faire une blague ? 


J’ai récemment découvert la chaîne Youtube de Super Pépette (au moment où j’essayais d’écrire cet article). Et j’ai ensuite regardé d’autres vidéos sur les autistes Asperger. Ça m’a fait du bien. Alors, non, je ne suis pas autiste. Mais de voir que même cette personne, beaucoup plus en difficulté que moi au niveau social, pouvait s’épanouir et trouver un équilibre, et que : ça va. Comme si ça autorisait l'existence de cette part de moi.
Dans une vidéo, Super Pépette précise que dire qu'on est tous autistes revient à dire qu'on est tous asthmatiques parce qu'il nous arrive à tous d'être essoufflés. 

Je ne suis pas autiste (ni asthmatique, d’ailleurs). Mais il m'arrive, à certaines périodes, d'être essoufflée.

J’avais commencé à écrire cet article en précisant que cette appréhension n'apparaît qu’avec des personnes que je ne connais pas très bien mais que je suis amenée à revoir (type collègues de boulot). Mais en y réfléchissant c’est faux. Cette insécurité relationnelle existe avec tout le monde. Dès qu’il y a relation, c’est-à-dire dès qu’on se dit plus de 3 phrases. (C’est-à-dire, pas avec la boulangère)
Il m’arrive, même avec mes proches, de bloquer sur cette question : comment interagir ?

Que se passe-t-il précisément dans ces cas-là, Micheline ?

Dans ces moments, je ne suis pas vraiment là. Vous voyez mes pompes ? Eh bien, je suis à côté. Pas loin, hein. Mais pas dedans.

Et j’ai la trouille. Oh là là j’ai peur de dire/faire un truc de travers. Peur d’être jugée durement, d’être anormale, bête ou snob et d’être la cible des commérages à la pause déjeuner. Ou alors, plus largement et plus simplement, peur de ne pas être appréciée, acceptée et même (oserais-je le terme ?) aimée.
En fait non, je n’ai pas peur. A ce moment-là, je suis persuadée que je vais être à côté de la plaque, que j’y suis déjà. Et j’essaye de limiter les dégâts.
Alors, je suis tendue comme un arc, sur mes gardes, à surveiller mes faits et gestes comme le lait sur le feu. Je suis donc très peu spontanée. Me censure, me retiens de dire, de bouger, sors des phrases bateau, guette dans le regard de l’autre un quelconque étonnement suspect, un froncement de sourcil, une moue...


Et la journée me laisse un goût amer, colère, triste.

Encore une fois, je pense qu’il est inutile de suranalyser ce phénomène. Simplement remarquer avec joie que parfois il est là, parfois non.

Parfois j'ai l'endurance d'une marathonienne (mais alors pas du tout littéralement) et parfois je m'essouffle.

Parfois j’ai peur, et (surtout) parfois non. 


lundi 8 août 2016

Le conseil restreint

C’est quoi ton problème avec les conseils, Micheline ?


J’ai peur d’être une donneuse de conseils. Peur dans le sens « pas envie ». Pas dans le sens « j’en dors pas la nuit ». (d’ailleurs, update : j’ai beaucoup moins de mal à aller me coucher depuis la dernière fois. Très efficace, ce blog !)

Ça me parait être une peur constructive (en toute objectivité) parce que, vraiment, les donneurs de conseil me pompent l’air. J’en ai ras la casquette des articles, vidéos, tweets, citations nous disant comment vivre notre vie, être plus heureux, plus épanouis, détendus du slip.

En ce moment, j’évite (après en avoir été friande) autant que je le peux tout ce qui a trait au tutoriel pour mieux vivre sa vie. Même si c’est fait de manière drôle et fraiche, même si c’est plein de bienveillance ou même de justesse. Et ça va de la citation facebook sur fond de soleil couchant à l'interview d'un acteur qui raconte comment il a appris de ses erreurs pour en arriver là. 

Les happy endings me saoulent, les "morales de l'histoire" (en plus, c'est tout le temps les mêmes)Je leur préfère les histoires de gens qui ratent vraiment, pas pour mieux réussir, non, qui font vraiment de la merde. Qui stagnent, tournent en rond, reviennent au point de départ. Qui galèrent. Comme dans la série Girls (ou comme ce robot qui échoue à manier son spray à fromage). Comme moi, finalement ! Ça me détend, m’allège d'un poids. (et puis : c’est drôle)

Cette surabondance de leçons de sagesse m’inspire plusieurs réactions à chaud :

1.       T’es qui pour juger ma vie ? 


      Si on donne des conseils c’est parce qu’on sent que l’autre en a besoin. Et il me semble qu’on peut facilement basculer dans le côté condescendant de la force. Et je n'ai pas besoin de ça. (qui a besoin de ça ??)

2.       Et, effectivement, en comparaison, ma vie me parait bien nulle (la condescendance, c'est efficace). Je zappe les étapes données par untel pour atteindre un mieux-être et ne retiens (parfois) que le fait que cette personne va mieux que moi.

3.       Ça, va on n’a pas assez de contraintes comme ça ? Je veux dire, franchement ? Perso, il y a des jours où je n’arrive pas à mettre un pied (métaphorique) devant l’autre sans y réfléchir longuement puis me reprocher la façon dont je l’ai fait. Ai-je vraiment besoin d’un avis extérieur supplémentaire concernant la meilleure façon de marcher ? (c’est encore la notre… )

           

4.       Ça marche pas !  Même si, sur le moment, je hoche la tête avec vigueur en hurlant mentalement « Amen » sur un air de gospel, en pratique, je suis toujours la même personne, confrontée aux mêmes difficultés, avec toujours ce foutu pied à mettre devant l’autre.


Ok, Micheline, rien ne t'oblige à donner des conseils.

Mais la vérité est moche…

La vérité, c'est que j’adore donner des conseils. Vraiment, si je m'écoutais j'abreuverais le monde de ma sagesse nuit et jour. (sans aucun recul, bien sûr) (je serais in-su-ppo-rtable)

Et je les comprends, ces donneurs de leçon, ça part de la meilleure intention du monde : quand tu as eu un déclic, tu voudrais que tout le monde l’ait. T'as pas envie que les gens souffrent ou galèrent. Tu as envie de donner aux autres tes armes pour dépasser certains obstacles que tu as surmontés. Tu projettes en eux ton « toi du passé » et tente d’être la personne que tu aurais souhaité trouver à ce moment-là.

Mais, j'ai l'impression qu'on a beaucoup, qu'on a trop d'injonctions tout autour de nous. Alors, je me retiens parce qu'il me semble que l’on n’apprend jamais mieux quelque chose qu’en le découvrant par soi-même.

Donc, je me contente de restreindre mes conseils. (et de partager des anecdotes pas si anodines, de ci, de là)