Salut Micheline, tu as fais quoi
aujourd’hui ?
Rien.
Tu peux préciser un peu ?
Ok, soyons précis.
J’ai passé la première moitié de
mon après-midi à ne rien faire de la façon qui m’est la plus facile. La façon
que je maitrise, dont je suis devenue experte, à laquelle j’ai été biberonnée,
qui a bercé mon adolescence et qui est encore mon doudou : je me suis
divertie.
Je suis une enfant de la télé,
enfin surtout une ado de la télé. Quand c’était la galère à la maison, au
collège ou dans ma tête, je me recroquevillais devant l’écran béni et tout
allait (à peu près) mieux.
Et puis il y a eu les Sims.
Ai-je besoin de préciser ? Des dizaines de générations de joyeux sims se reproduisant allègrement sous ma bénédiction.
Les journées passaient à une
vitesse (un peu trop) folle !!
Et, réalisant que cela ne me
faisait pas me sentir fondamentalement mieux (voire pire), je me suis sevrée. (ça n'a pas été facile, mais n'épiloguons pas)
Cela n’a fait que décaler le
problème puisqu’ensuite, il y a eu les séries TV que j’ai englouti jusqu’à m’en
rendre malade, les films (et feu ma carte gaumont), les vidéos Youtube plus ou
moins abrutissantes. Bon, j’accélère un peu sinon on en a pour la nuit.
(Moi en train d'accélérer. Obviously)
Bref, cet après-midi, je ne faisais
rien. Mais je scrollais scrollais scrollais. Posais mon portable. Le reprenais. Scrollais scrollais. Posais mon portable. Le reprenais. Scrollais.
Mon portable, mon précieux, mon
outil de divertissement express. Qui a fait un bon mot ? Une bonne blague ?
Une belle photo ? Quoi de neuf ? Vite vite ! Rien de neuf, grrr.
Enervement latent.
(Ce que j'aurais peut-être dû faire)
Je devrais méditer. Je n’ai pas médité aujourd’hui. Pas
envie. Faire ma vaisselle avant. Lire un peu peut-être. Bon, je m’y mets.
Je médite.
Et en quoi ça consiste, la
méditation, Micheline ?
En ne rien faire.
On ne fait rien avec notre corps
(ou presque), on ne fait rien avec notre esprit (ou presque).
On est là, bêtement, assis sur nos
fesses. On respire. Sans analyse, on reste en surface. Bêtement, on a dit.
Et on réalise tout un tas de choses,
seconde après seconde, et on ne fait rien avec elles.
On réalise qu’il y a des
oiseaux dehors. Que la lumière change. Qu’on a encore sur la langue le goût sucré râpeux de la datte
mangée tout à l’heure. Qu'on a chaud aux mains. Que notre cœur bat (on l’avait oublié
celui-là !). Qu’on est touchée-émue par le chant de l’oiseau. Qu’on a des pensées. Que
le temps est looooooooooooooooooooooooooooooooooooong.
On s’ennuie. On s’angoisse.
Mais on est là. On sait qu’au
final c’est la chose à faire (ou à ne pas faire ?)
Je n’ai pas compris, Micheline, la
différence entre ne rien faire ou ne rien faire.
C’est la question de notre bon
vieux William S : être ou ne pas être. Ma réponse est que de temps en
temps, il est bon de juste être, vraiment.
Et quand on est, on voit mieux les
choses, on peut être un peu plus un adulte responsable. On est un peu moins
victime de la "tyrannie du lol", dont parle cette très bonne chronique de Xavier
de la Porte sur France Culture.
On est. Et après, on fait.