Yo, Micheline, ça gaze ?
Ça farte pas mal et toi ?
Oui, merci. On parle de quoi aujourd’hui ?
Les mots-clefs du jour sont : contraintes, surmoi, exigences à
tire-larigot, perfection. Et je ne sais pas très bien dans quel ordre.
Globalement, ce sont ces moments durant lesquels tu n’arrives pas à aboutir
à quelque chose parce que ce n’est jamais assez bien. Que ça ne
plaira pas à untel. Que ce n’est pas ça, ce n’est pas exhaustif, ce n’est pas
parfait.
Globalement, c'est donc cette partie de moi qui juge durement ce que je
fais (aussi appelé Surmoi ou SuperNanny selon tes rèf) et surtout les moments où cet aspect part complètement en couille et me perd largement en
cours de route.
Ok, un exemple. Cet article. Il n’est pas
terrible et j’ai eu beaucoup de mal à l’écrire parce que je l’écrivais, je le
relisais, je le critiquais (pour une raison x), le réécrivais, le
trouvais encore plus mauvais (pour une autre raison y) et je l’effaçais (pour une raison z)…
Et, allez, un 2ème exemple (cadeau) : trouver une
tenue pour une occasion spéciale (type représentation sociale :
mariage, baptême, enterrement, brevet des collèges…). Je choisis une robe
puis me dis que ça ne va pas plaire à [membre de la famille quelconque] alors
je change pour un short et je me dis que ça fait trop [adjectif
quelconque] alors je change et je me rends compte que ça ne me plait
pas à moi… Alors je pleure (parce que je suis mature).
Dans les deux cas je me complique la vie à mort (la vie à mort… ça
ferait une bonne chanson d’Obispo, ça). Trop ceci, pas assez cela. Un peu à
gauche, non un chouïa à droite. (Redresse, bon sang redresse !!)
C’est-à-dire que j’ai l’impression de devoir faire atterrir un boeing dans
un trou d’aiguille (il parait qu’on dit un chas) avec une marge de manœuvre ridiculement
petite et pas le droit à l’erreur. Et qu’en plus ce chas d’aiguille
bougerait.
Tu l’auras compris, c’est impossible, et on va voir pourquoi (encore plus, je veux dire).
En soi, Micheline, c’est pas forcément un problème, c’est bien d’être
exigeant avec soi-même…
Il y a quand même quelques petits inconvénients quand cette exigence
s’emballe et n’est plus dictée que par la peur… Parce qu’alors
je me rends compte que ces contraintes qui constituent ma check-list de
l'angoisse, elles sont :
- Infinies. Il y en aura toujours
de nouvelles. Comme l'univers, mon surmoi semble avoir une capacité d'expansion
perpétuelle (oui, mon surmoi est comme l'univers...). Il est donc sans limite pour
trouver ce qui ne va pas ou la façon dont une chose pourrait être améliorée.
Donc à ce rythme là, il sera plus rapide de vider l’Atlantique à la petite
cuillère (pour le mettre où, je n’en ai pas la moindre idée) que de réussir à
être satisfaite.
- Changeantes. Histoire que ce soit
vraiment impossible de rentrer dans ce chas d’aiguille... ce qui sera un jour
un critère super positif sera, le lendemain, le pire des critères négatifs. Donc la
case absurdement petite dans laquelle j'essaie d'atterrir change, en plus, sans
arrêt de place. Génial comme casse-tête ! Ce qui fait que je ne m’ennuie
jamais quand je suis dans cet état d’esprit. (Super !!)
- Inévitables. Au bout d’un moment (quand même) je me dis :
« ras la couenne des contraintes, je reviens à l’essentiel, à ce qui fait
sens au départ, ce qui me parle. » Et… je n’y arrive pas !! J’ai si
bien intériorisé ces exigences extérieures que je suis incapable de savoir ce
qui me plait réellement à moi… Je le vis même comme la contrainte
ultime ! Et comme il m’est impossible de la satisfaire, je ne vous
cache pas que mon estime de moi descend en flèche (comme mon boeing, qui
s’écrase).
Donc on récapitule (et on souffle un coup) : quand l’angoisse prend le
dessus, les impératifs se téléscopent, se contredisent, se multiplient,
s’articulent dans un brouhaha étrangement organisé mais contre-productif et
impossible à contenter. Et (parce que ce serait trop simple) quand on essaie
d’en sortir, on rajoute une couche supplémentaire à ce blocage.
Pour l’instant on va arrêter là le désastre constat. Pas de conseil, parce que ce
serait rajouter un niveau supplémentaire à ce surmoi tyrannique. Mais déjà
constater, c’est déjà pas mal, non ?
Tschüss ! (like si toi aussi t'as fait allemand LV1)
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