Micheline, est-ce qu’il n’y aurait
pas un lien ambivalent entre la peur et l’envie ?
En effet, la peur et l’envie sont
souvent les deux faces d’une même pièce. Ici, j’ai eu très envie d’avoir un
blog, d’être lue. Mais c’est exactement ce qui me faisait très peur.
De manière plus extrême, on dit
que le vertige vient de l’attrait des gens vers le vide.
Alors, ça ne marche pas à tous les
coups, par exemple, là, maintenant, je n’ai pas spécialement peur de manger une
part de fondant au chocolat (non, même pas peur). Mais en même temps, l’enjeu
est limité dans ce cas-là. Or, avec l’envie vient l’enjeu, puis vient la peur.
Comment on gère cette
ambivalence ?
J’imagine l’envie comme une force
d’attraction et la peur comme une force de répulsion. Ces deux forces
s’articulent dans une sorte de danse entre notre désir et nous.
« Nous tournons autour de nos désirs d’avantages que nous les contrôlons »*. Nous tournons, nous nous en approchons, puis nous nous en éloignons. En tout cas, il ne s’agit pas d’une ligne droite vers le désir. Ce n’est pas si simple.
(Beyoncé est d'accord)
« Nous tournons autour de nos désirs d’avantages que nous les contrôlons »*. Nous tournons, nous nous en approchons, puis nous nous en éloignons. En tout cas, il ne s’agit pas d’une ligne droite vers le désir. Ce n’est pas si simple.
Or, personnellement, je suis assez
exigeante envers moi-même (envers les autres aussi, mais c'est une autre histoire). Le discours « Y.O.L.O. »** peut avoir, sur moi, un
effet angoissant. Voire culpabilisant. Genre : "Quoi ? Tu n’oses pas
escalader l’Everest alors que c’est ton rêve ? Mais tu passes à côté
de ta vie !! Réfléchis pas et fonce !! Fonce sur l’autoroute vers ton
désir !!" (Ahem...)
Sauf qu’il y a juste un petit hic,
oh pas grand-chose, juste cette massive angoisse tétanisante. Plus forte que l’idée
rationnelle qu’il ne faut pas perdre de temps parce que la vie est courte et qu’on
ne vit qu’une fois. Et on est alors les premiers à se basher, à se traiter de lâche,
à déprimer, à angoisser encore plus.
Soyons donc un peu indulgents avec
nous-même. On a des failles, on fait du mieux qu’on peut, on n’est pas des
super-héros. Et, oui, parfois la peur est si monumentale qu’elle surpasse l’envie
qui la motive. Et ce n’est pas grave. Ce qui serait grave c’est de se faire
violence, de se jeter dans un idéal angoissant pour réaliser son rêve à tout prix
et de se laisser dévorer par une panique incontrôlable.
Alors, attention, avoir des rêves
c’est bien, c’est sain. Mais un peu de frustration aussi c’est sain. Et qui
sait, peut-être que par des chemins détournés, au détour d’un pas de danse, d’envie
accessible en peur gérable, on atteindra notre idéal par des voies inattendues…
Mais en gros, l’idée, c’est de
s’écouter. Faire le rapport envie/peur. Savoir que ce rapport bouge, ça évolue, ça danse. Sentir dans quel sens nous porte le
courant, donner un petit coup de rame si un rocher nous bloque. Et pas s’épuiser à contre-courant, les yeux rivés sur l'objectif. Remonter le courant, les saumons le font très bien. Nous, moyen.
(et encore, parfois il se prennent des ours)
*Jean-François Vézina, Danser avec le chaos
** You only live once (= on ne vit pas dans un jeu vidéo)